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«Écrire un poème, c'est pratiquer une sorte de magie mineure», écrit Borges en 1985. C'est aux vestiges de cette dimension magique de la poésie que s'intéresse Survivance du charme. Car l'art poétique, à l'origine, est un rituel qui transforme le souffle articulé en un pouvoir d'action sur le monde et un moyen de fléchir l'invisible - et la guérison a toujours fait partie de ses effets recherchés. Sur ce terrain magico-reli gieux, la poésie partage à la médecine ses vertus d'art thé rapeutique, pour lequel la parole a joué un rôle fondamental, dont on trouve une postérité éclatante dans la psychanalyse, l'autosuggestion ou encore l'hypnose. Retraçant à travers trois chapitres thématiques une histoire de l'ars poetica comme puissance magique et thérapeutique, Christophe Barnabé rappelle que la poésie a dû composer au cours des derniers siècles avec la montée en puissance d'une science toujours plus rationaliste et technicisée, et d'une médecine matérialiste dont l'efficacité n'a cessé de repousser les limites de la guérison, et toute autre approche thérapeutique dans l'irrationnel et la superstition. L'auteur remarque cependant que c'est justement dans ce retrait face au positivisme que la poésie a pu devenir le lieu privilégié d'une prise en compte de l'inguérissable: un réanchantement, un charme. Si certains poètes du XXe siècle assument l'héritage de cette puissance magique, ils sont aussi, en tant que fils d'une époque dominée par le scepticisme, confrontés à la por tée véritable du charme poétique dont l'efficience achoppe sur la réalité, mais dont les pouvoirs de création sont autant de promesses de transformation de soi et de l'image du monde. Christophe Barnabé interroge alors dans les chapitres sui vants les traces du charme ancien dans l'oeuvre de quatre grands poètes du XXe siècle pour qui cette ambivalence met à la question le sens et la portée de leur art: Philippe Jaccot tet, Antonio Gamoneda, Ted Hughes et Paul Celan. Tous les quatre, issus d'espaces littéraires et linguistiques différents, re courent aux thèmes, formes et formules de la tradition de «l'art magique», pour en interroger les fragments épars, en modifier l'usage établi ou l'intégrer à leur pratique qui prend toujours les accents d'une quête personnelle émaillée de détails biogra phiques. Réparation du passé, exorcisme de traumatismes, lutte contre la maladie ou la mort, le «rituel» poétique est à la fois l'expression d'une déception et des vestiges d'une puis sance guérisseuse.

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