Battant

Jack Johnson


français | 20-02-2025 | 250 pages

9782487085077

Livre


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Brève description / annotation

Jack Johnson est un OVNI, même si le terme n'existait pas à son époque. Premier boxeur noir champion du monde des poids lourds, il a joué à son corps défendant un rôle considérable dans l'émancipation des Noirs américains par l'exemple qu'il a donné et par le mépris profond des discriminations et des conventions qui l'animait. Comme le résume Mohamed Ali à son propos : « Jack Johnson était obligé d'être un méchant Noir car il n'y avait pas à son époque de Black Muslims pour le défendre, pas de NAACP en 1909, pas de MOVE ou d'autres organisations noires, pas de Huey Newton, pas d'Angela Davis, pas de Malcolm X. Il était tout seul. C'était le plus grand parce qu'il devait être le plus grand. » Et le plus grand, il le fut certainement, mais pas de la manière dont on attendait de lui qu'il le fût ou de la façon dont on espèrerait qu'il le soit aujourd'hui. Jack Johnson était tout sauf stupide et il a bien compris que sa victoire dans le championnat du monde des lourds contre Tommy Burns en 1908 et plus encore celle sur Jim Jeffries en 1910 étaient lourdes de sens et de symboles. Il ne s'en cache pas dans le récit qu'il fait de ce deuxième combat : « En regardant autour de moi, en parcourant cette mer de visages blancs, je pris conscience de l'enjeu du moment. Il y avait très peu d'hommes de ma race parmi les spectateurs. Je me rendis compte que ma victoire dans ce combat avait encore plus d'importance que d'habitude. Ce n'était pas seulement le titre qui était en jeu, mais mon honneur personnel, et dans une certaine mesure l'honneur de ma couleur de peau. J'étais bien conscient de tout cela et je sentais que, dans sa grande majorité, ce public était contre moi. Tout cela, même si j'étais conscient des responsabilités qui m'incombaient, ne me dérangeait ni ne me perturbait. » C'est l'un des secrets de la force du « Géant de Galveston » : son profond mépris pour les convenances, pour les idées reçues et toute forme d'adversité. Sa vie, dont il raconte ici les cinquante premières années, il l'a vécue dans une sorte de nonchalance et d'insouciance, qui ne relevaient jamais de l'inconscience ou de la naïveté, mais bel et bien d'une totale liberté d'être et de penser. Aussi ne vous attendez pas à trouver dans cette autobiographie un brûlot anti-raciste ou un témoignage militant. Même si sa conquête du titre mondial aux dépens d'adversaires blancs dans la première décennie du siècle passé a déclenché des émeutes raciales dans tous les États-Unis, même si sa vie a souvent été menacée, même si une campagne de haine invraisemblable a été menée contre lui, le boxeur texan ne s'est jamais laissé déstabiliser ou entraîner dans les polémiques. Il a bien sûr subi le racisme, la ségrégation, et les subissait encore au faîte de sa gloire. Mais il avait choisi de se placer au-dessus de ces petitesses et de croquer la vie sans que rien ni personne ne se mette sur son chemin. Il avait fait de la désinvolture et du désarmant « sourire en or » qu'avait, le premier, décrit Jack London, ses armes pour affronter l'adversité, ou plutôt pour la mépriser. Loin d'ignorer ou de se désintéresser de la condition des Noirs dans son pays, il avait choisi de s'y confronter de la même manière que sur le ring. Avec une foi inébranlable et un mépris absolu du danger. « À titre personnel, je n'ai jamais eu de doute sur l'attitude à adopter. Bien que j'aie souvent été confronté au racisme, j'ai toujours fait en sorte, lorsque je rencontre des gens, de gagner leur confiance en les traitant honnêtement et en leur parlant franchement, les yeux dans les yeux, quitte à les déstabiliser. Je n'ai jamais trouvé de meilleure manière de combattre le racisme qu'en agissant envers les personnes d'une autre race que la mienne comme si le racisme n'existait pas. Un regard franc et direct met le plus souvent fin immédiatement à toutes les suspicions », écrit-il. Cette désinvolture et ce refus d'accepter le racisme comme un fait accompli lui ont valu l'inimitié des leaders noirs de son temps. Il critique à la fin de cet ouvrage les thèses de Booker T. Washington, le penseur noir le plus en vogue de son époque, dont les vues convenaient parfaitement à la majorité blanche. Washington souhaitait voir les siens s'élever par l'éducation, l'honnêteté et la respectabilité sans remettre en cause les lois ségrégationnistes en vigueur. Il voyait en Jack Johnson un trublion, un traître à sa communauté parce qu'il avait choisi la boxe, sport à la réputation douteuse, gagnait beaucoup d'argent, avait ouvert des boîtes de nuit (dont le futur Cotton Club) et épousé des femmes blanches, ce qui lui causa au moins autant de torts que ses succès sur le ring. « Il est dommage qu'un homme qui possède autant d'argent l'utilise pour blesser son propre peuple aux yeux de ceux qui cherchent à élever sa race et à améliorer sa condition », écrivit Booker T. Washington à son sujet. Jack Johnson lui répond ici en se revendiquant de Frederick Douglass, l'un des plus fameux combattants de la lutte contre l'esclavage, qui plaidait pour une égalité totale entre toutes les composantes de la société américaine, Noirs, Blancs, Latinos, Irlandais, Amérindiens, hommes et femmes. Et cette égalité, le plus grand boxeur de son temps avait décidé de s'en saisir tout seul, sans rien demander à personne. C'est ce qui fait de lui un OVNI, un être à part dans la longue histoire du sport américain, et de la boxe, mais aussi de la condition des Noirs aux États-Unis. Jack Johnson n'a rien revendiqué, il s'est servi. Comme le disait sa dernière femme, Irène Pineau, « il n'a jamais eu peur de rien ni de personne ». C'est cette personnalité hors du commun qui transparaît dans les lignes qui suivent. Jack Johnson ne doute de rien, est ouvert à toutes les expériences, à toutes les aventures, se trouve aussi à l'aise sur le ring que dans les grandes brasseries parisiennes ou dans les cours royales britannique ou russe. Sa vie est ainsi un remarquable roman d'aventure, justement parce que notre homme est prêt à tout, qu'il ne respecte aucune idée reçue, aucune convention établie. Sa désinvolture apparente n'est en vérité qu'une insatiable curiosité du monde, qu'il s'empresse d'assouvir parce qu'il le veut, parce qu'il le peut. Il est évident qu'un personnage de cette ampleur et de cette inébranlable confiance ne pouvait que s'attirer haines, rancoeurs et inimités. Ses titres acquis, Jack Johnson dut subir l'incessante quête d'un « espoir blanc » pour lui reprendre son titre, une quête lancée par Jack London lui-même, fasciné et choqué par la facilité à boxer et à exister de ce « sacré nègre ». Injustement accusé d'avoir fait passer une de ses épouses d'un État américain à un autre « pour des raisons de moralité douteuse » ce que la loi Mann interdisait - et bien qu'elle ait été votée après les actes qui lui étaient reprochés -, Jack Johnson a été contraint à l'exil, puis à mettre sa carrière entre parenthèses pour purger une peine totalement indue d'un an de prison, sentence que Donal Trump invalidera à titre posthume en 2018 sur l'insistance de Sylvester Stallone. Son exil le conduira un peu partout sur la planète et on le retrouve ici toréador à Barcelone ou au Mexique, conseiller du tsar, espion pour les services américains en Europe, acteur raté en Espagne, au bord du naufrage dans le Golfe du Mexique, adversaire de kangourous en Australie, boursicoteur, publicitaire et pilote automobile risque-tout (il mourra d'ailleurs d'un accident de la route). Il faudra sans doute attendre Mohamed Ali, justement, pour retrouver un personnage aussi larger than life (hors du commun), aussi indépendant d'esprit et de comportement, aussi insensible à la critique et à l'adversité. Il faut voir combattre Johnson dans les vidéos accessibles sur les plates-formes de streaming pour comprendre à quel point il a influencé le plus grand boxeur de l'Histoire. Comme Ali, Jack Johnson danse, esquive, provoque, s'adresse à la foule, un éternel sourire aux lèvres. Conscient de sa valeur, inconscient de la haine qu'il déclenche, fermement déterminé à aller cherche son dû et son destin. À croire que le futur Cassius Clay était un peu son clone, son double réincarné. En ce sens, Jack Johnson est un peu hors du temps. Il faut lire, dans les derniers chapitres de ce texte, ses conseils en matière de diététique qui n'ont pas pris une ride et étonnent par leur modernité. Mais le Géant de Galveston est aussi, forcément, un homme du début du XXe siècle et ses idées sur les femmes, en dépit de la passion qu'il leur porte, et sur leur émancipation, sont à tout le moins contestables ou en tout cas à replacer très clairement dans leur contexte. Ses remarques à ce sujet ne manquent pourtant pas d'un intérêt historique particulier, parce Jack Johnson illustre, par les réticences qu'il exprime envers la nouvelle condition féminine en 1927, ce moment-clef et souvent oublié qu'ont constitué les Année Folles dans le long chemin des luttes féministes, au travers du personnage de « la garçonne », qui fascine autant qu'elle intrigue au cours de l'entre-deux-guerres. Jack Johnson a tellement dérangé à son époque qu'après sa défaite contre Jess Willard en 1915, il faudra 22 ans pour voir un autre Noir, Joe Louis, s'attaquer à la couronne mondiale des poids lourds. Et ses managers prendront bien soin de donner de ce dernier une image lisse et présentable. Joe Louis pourra être champion du monde, à condition d'être un « gentleman », au contraire de son prédécesseur... Loin d'être un récit suranné - même si le style de Jack Johnson s'autorise des enjolivements parfois amusants -, Battant est une lecture captivante de bout en bout en ce qu'elle raconte le destin d'un homme pas comme les autres au coeur d'une époque troublée par des bouleversements encore pertinents un siècle plus tard.

Détails

Code EAN :9782487085077
Auteur(trice): 
Editeur :L'ecailler Du Sud
Date de publication :  20-02-2025
Format :Livre
Langue(s) : français
Hauteur :215 mm
Largeur :135 mm
Epaisseur :19 mm
Poids :310 gr
Stock :en stock chez le fournisseur
Nombre de pages :250